CoreAndCo: “Penis Barbecue”
S’il y a bien des mots qu’on n’a pas forcément envie de voir associés, outre «Le Pen» & «Elysée», «Hellfest» & «Kyo» ou «porte-jarretelles» & «Angela Merkel», c’est bien «pénis» et «barbecue» – et ce même si l’on est fan d’andouillette cuite sur la braise. Sauf qu’en l’occurrence ici il n’est pas question de se faire rôtir la couenne génitale, mais plutôt de se faire roussir les poils auriculaires. Car, mes bien chers compatriotes de Nawakland, sachez que Give Us Barabba fait partie de ces groupes transalpins qui – tels Nanowar et Spellbound Dazzle – ont décrété que Metal et Commedia Dell’Arte étaient tout à fait compatibles. Mais avec les partisans de Barabbas, pas de barbare heavy metalleux au torse huilé et épilé ni de culture arménienne voisine de celle de SOAD (quoique sur la 2e occurrence du refrain de «My Band Sax», on ne me fera pas croire que ces trémolos ne sont pas un hommage appuyé à la bande à Serj Tankian)… Non, ces vénitiens font dans le pur “Tutti frutti metal”: celui de Mr Bungle – pour citer la référence du genre –, mais également celui de Moron Police, Osaka Punch ou Vladimir Bozar – pour cibler plus précisément les nuances nawakiennes de ce 1er album.
Bon alors l’ennui avec ces groupes qui passent du coq à l’âne, du metal au reggae, de la caresse chantée au Takatakatakataka hurlé, c’est qu’il est dur de brosser en 3 lignes critiques finement aiguisées le portrait de la bête, et de rendre ainsi fidèlement compte du contenu de l’opus étudié. Parce que ça gigote sans cesse, ça change de registre, ça enchaîne les trouvailles… Et ça pousse finalement le chroniqueur à coller au train de la tracklist pour en décrire les monts et merveilles au fil de l’eau.
D’où passage à l’acte, sans honte, mais après avertissement préalable. Parc’que bon…
Mais avant de sauter à pieds joints dans la description des 8 joyeusetés nawak métalliques qui constituent Penis Barbecue, énonçons quand même quelques vérités générales qui vous permettront de mieux saisir la nature de la niche où évoluent nos amitaliens. En dehors de l’affiliation assez nette avec les 3 groupes évoqués en fin de 1er paragraphe, ce qui participe grandement à la définition de la «patte Give Us Barabba», c’est ce saxo et ce piano qui ne sont jamais les derniers à venir glisser un coucou ou une mélodie au détour d’un break. Ça et un chanteur qui pète volontiers son boulard, quand ce n’est pas carrément sa voix ou nos oreilles qui morflent violemment. M’enfin la plus discriminante parmi ces particularités reste quand même l’usage de cette virgule cuivrée aux courbes chaleureuses que le groupe place sous les feux des projecteurs en tout début d’album, ceci à l’occasion d’un titre («My Band Sax» – littéralement « le saxo de mon groupe ») prononcé volontairement de manière à entretenir l’autodérision joyeuse («My Band sucks» – littéralement «mon groupe est nul à chier»). Démarrant sur un metal groovy et punchy qui ne dépareillerait pas sur le dernier Trepalium, ce tube en puissance glisse dans un couplet tortillonneux avant de déployer un refrain grandiose à classer d’ores et déjà parmi les plus gros squatteurs de crâne de 2015.
Et je vous le dis comme je le pense: cet album n’aurait contenu que ce bon sang de gros hit, cela en aurait déjà amplement justifié son acquisition.
Mais la fiesta continue avec le long «Devin Townsend» qui – …oui là-bas au fond? En effet: … – rend hommage, voire même carrément «déclare son amour» au plus génialement barré des musiciens canadiens. J’avoue personnellement avoir quand même une toute petite réserve quant à ce titre: transi d’admiration, le groupe donne l’impression de s’y forcer à se cantonner à un registre pas trop éloigné de celui de son idole, cette approche lui interdisant se s’abandonner aux parenthèses débiles et aux savoureux imprévus qui font le sel de son Nawak metal habituel. Bref, le morceau est objectivement bon, mais peut-être également trop sage, trop canalisé… Sur «Happy!» par contre, on repart sur les chapeaux de roue dans la folie la plus contagieuse, les accès délirants qui secouent ce pauvre Alessandro rappelant le registre psychotique des …? et autres Hesus Attor (… mais en mieux!). D’autant que les lignes de chant clair qui passent entre les jets de postillons foutraques évoquent méchamment Mike Patton, et que la fin du morceau explose dans un festival de metal extrême furieux.
Sur «Io e te senza di lei», nous sommes invités à une pause relax à l’occasion de laquelle on se fait alternativement draguer par un vieux crooner italien en costume de velours, et rouler un oinj par un rastaman sud-américain empreint de spiritualité. «Everything That I’ve Learned» sera quant à lui l’occasion d’un retour dans le monde merveilleux (mais quasi oublié) du Mucky Pup émo-funky de Lemonade, la place étant ensuite laissée à un morceau-titre gentiment nawak théâtre de fréquents tirs de mitraillette humaine («Sa-sa-sa-sa-sa-sa-sa-sa-sa!!!!!»). Les adieux se feront sur « A per Venditta », titre langoureux et doucement groovy fortement coloré d’ambiances FaithNoMoro-cinématographiques, avant que l’outro « La Riflessione Riflessa » ne ferme violemment le rideau sur une sensation de malaise dont – personnellement, je trouve – on aurait pu se passer.
«Conclus donc, maintenant, amigo!». Oui oui, j’arrive. Avec Penis Barbecue, Give Us Barabba est passé à un petit poil de figurer non seulement tout en haut des plus belles découvertes de 2015, mais également au niveau des meilleurs-albums tout court (…il lui manque un dernier titre qui déchire et un ou 2 tubes incontestables supplémentaires). Alors allez donc vous aussi soutenir la scène Nawak italienne en vous offrant ce superbe 1er album qui appelle une suite… Pronto!
Rating 8/10
review by Cglaume